Vous voici maître du pays, et du Parlement. La chance vous a bien servi. Plus rien ne s'oppose à l'action de votre gouvernement. Vous avez l'occasion de terminer brillamment votre carrière politique en réalisant, à l'intérieur, les profondes réformes que les Français attendent, et à l'extérieur en réintroduisant la France (et avec elle l'Europe) dans un processus de paix au Proche-Orient. Ce conflit, qui dure depuis un siècle, peut enfin s'achever sous votre mandat, et grâce à votre initiative. En effet, tout le monde est désormais convaincu que seul un Etat palestinien établi au côté de l'Etat juif mettra un terme à cet épouvantable conflit. Le Président américain, paralysé par Ariel Sharon, hésite entre la guerre et la paix. L'Angleterre colle plus que jamais aux Etats-Unis, et l'Allemagne s'écrase, par peur de la riposte israélienne. Seule la France est en mesure de proposer une grande conférence internationale pour la paix (fondée sur deux Etats en Palestine). Vous savez qu'une guerre contre l'Irak est en préparation. Je n'imagine pas un instant que vous puissiez engager la France dans cette opération. Au contraire, vous pouvez vous y opposer en impulsant dès maintenant, autour de la Méditerranée, un formidable mouvement planétaire en faveur d'une grande négociation à laquelle participeraient tous les protagonistes du conflit, avec les Européens, les Etats-Unis, l'ONU et d'autres grands pays. Englué dans son indécision, G.W. Bush junior serait obligé de tenir compte de l'opinion américaine, et d'abord du parti démocrate qui reste attaché à la politique de l'ancien Président Clinton. Quant à l'Allemagne, il est probable qu'elle ne verrait aucun inconvénient à faire bloc avec la France, dès lors que l'on ne pourrait pas l'accuser d'être à l'origine de l'initiative européenne. De même Poutine, à Moscou, ne serait pas mécontent de se démarquer de Washington. Idem pour le Canada, la Chine, le Japon, l'Inde etc. Les Juifs eux-mêmes, et d'abord ceux d'Amérique, inquiets pour leur propre avenir dans un monde agité par un anti-américanisme primaire, dans leur grande majorité, j'en suis certain, appuieraient votre démarche. N'hésitez pas, Jacques Chirac : convoquez le Monde pour faire la paix !