Au fil des décennies, Israël n’a cessé de
demander aide et soutien aux Etats-Unis, et singulièrement à la communauté juive américaine. Le temps est venu de renvoyer l’ascenseur, estime
l’ écrivain Alec Dubro. Celui-ci demande en conséquence à Israël d’évacuer sans tarder les territoires occupés, cause majeure, à son avis,
de la résurgence de l’antisémitisme qui menace désormais les millions de Juifs hors d’Israël. Cette tribune a été publiée dimanche dans le
quotidien Haaretz.
« Toute ma vie – 55 ans – Israël m’a demandé, à moi et aux Juifs américains, de ne penser qu’à une
chose : l’aider. Il est temps maintenant qu’Israël réalise qu’il pourrait avoir une dette envers les 60% de Juifs qui ont choisi de ne pas
vivre ici (en Israël)
Eh oui, je veux de l’aide de la part d’Israël, une grande faveur. Je vous demande de supprimer les colonies de la
Cisjordanie, de Gaza, et du Golan. Et d’essayer – aussi résolument que vous avez travaillé à construire le pouvoir militaire d’Israël –
d’en arriver à une paix négociable avec vos voisins.
Je comprends bien que vous avez des difficultés en ce moment et que c’est beaucoup
demander, mais vous nous avez beaucoup demandé à nous aussi. Bien qu’il soit difficile d’obtenir des statistiques correctes de la part des
Etats-Unis, il apparait que les Etats-Unis vous envoient 10 milliards de dollars chaque année à titre de l’aide publique et privée et de
donations. Le montant a pu varier d’une année à l’autre, mais le total n’en représente pas moins de 500 milliards de dollars sur la période.
Les
Israéliens doivent au moins m’écouter sur ce sujet. Quand j’étais jeune mon père travaillait pour l’Appel juif Unifié et collectait des
Bons pour Israël. Nous ne le voyions pas beaucoup parce que sont travail était prenant. Quand j’ai grandi, j’ai donné de l’argent et acheté
des arbres à planter (en Israël) Pour être honnête, à un certain moment, j’ai cessé de soutenir Israël, essentiellement parce que j’étais
mécontent de la politique d’Israël et parce qu’Israël devenait prospère. Mais au cours du dernier demi siècle les relations ont été unilatérales
; vous demandiez, nous répondions.
Maintenant à mon tour de demander. Votre volonté de maintenir des communautés entourées de murs en
Cisjordanie et à Gaza et le conflit qui découle de cette politique mettent en danger les Juifs qui vivent ailleurs dans le monde.
La série
d’agressions rapportées en Europe et ailleurs est directement liée à l’occupation. Je n’ai nul besoin de discours sur la constance de
l’antisémitisme dans le monde. J’en ai été la victime et j’ai vécu avec. Mais ces dernières années, l’antisémitisme s’était
incroyablement marginalisé dans le monde développé ; le combat pour la Cisjordanie a insufflé une nouvelle vie à un moribond, bien que nullement
mort, l’idéologie.
De mon point de vue, Israël tient le monde juif en otage avec le principe de la grande Judée et/ou de la grande
Samarie, appelez-les comme vous voudrez. Tandis que 200 000 juifs peuvent vivre dans un confort insolent en Cisjordanie, à Gaza et sur le Golan, le
reste d’entre nous regarde se détériorer les relations avec nos voisins, avec le sentiment grandissant du danger.
Pour ma part, l’idéalisme
brisé du sionisme est allé droit dans le mur. Même si j’acceptait le discours biblique selon lequel les Juifs ont le droit a un morceau de ce véritable
Etat du Levant, -et ce n’est pas le cas- la réalité politique est que vous n’obtiendrez pas la paix en poursuivant vos objectifs actuels. Et
vous menacez plus que vous-mêmes et vos proches voisins : vous êtes dangereux pour ceux d’entre nous qui ont si puissamment contribué à votre
existence.
Voilà pourquoi je vous demande de nouveau d’avoir un peu de considération pour les Juifs dans le monde, pour ceux qui
soutiennent les Juifs et pour la paix en général. Si vous refusez d’abandonner vos communautés « semi-militaires », il n’y aura plus que
guerre et division. Et, tandis que vous mettrez en danger ceux d’entre nous qui vivent ailleurs qu’en Israël, vous risquez de perdre la base de
votre soutien.
En fait, si Israël persiste à maintenir l’occupation, je ferai quelque chose. Je demanderai le retour de mes arbres. Vous me
le devez ».